Interview postume de Valentine Visconti
Mon interview d'une célébrité dans La Voce de janvier 2022 (pseudonyme Franco Berneri-Croce)
Franco Berneri-Croce : Mes hommages Madame la Duchesse. On m’a dit que vous étiez fort belle, mais je constate que les éloges sont bien en dessous de la réalité. Je vous remercie de me recevoir dans votre château de Blois pour le périodique La Voce, le journal des Italiens en France. Vous êtes née en 1368 à Milan. Fille de Gian Galeazzo Visconti, le duc de Milan, petite fille du roi de France Jean II le Bon par votre mère Isabelle de France, vous êtes vous-même duchesse par votre mariage avec votre cousin Louis, duc d’Orléans, le frère du roi Charles VI. Vous êtes aussi la mère du poète Charles d’Orléans et la grand-mère du roi de France Louis XII. Vous êtes donc petite file et grand-mère de deux rois de France. La première question que j’ai envie de vous poser, si vous me le permettez, concerne votre arrivée en France. Vous êtes en effet l’une des premières immigrées célèbres et nos lecteurs aimeraient savoir ce que vous avez ressenti en quittant votre pays et en arrivant sur ces terres transalpines.
Valentine Visconti : Je suis tout d’abord très heureuse de vous recevoir, car je lis toujours le journal La Voce avec beaucoup de plaisir. Quand je parcours les textes en italien, il me semble, à travers les formes des lettres, apercevoir les arbres de la place face au palais de Pavie, où j’ai grandi. Pour répondre à votre question, il m’a fallu m’habituer à la langue et aussi à de nouvelles manières, mais j’avoue ne pas avoir eu beaucoup de mérite de ce côté-là, ayant eu les meilleurs précepteurs.
F.B.C. : Pourtant le malheur ne vous a pas pour autant épargnée. Vous avez perdu votre mari, Monseigneur le Duc, dans des circonstances affreuses.
V.V. : Oui, et d’ailleurs cela est très bien relaté dans un très beau livre que j’ai lu, il y a quelque temps. Il s’agit de La Belle à la Licorne de Franck Senninger.
F.B.C. : Pourriez-vous avoir l’amabilité de nous en dire davantage sur ce triste événement, pour les rares personnes qui n’auraient pas lu cet excellent roman ?
V.V. : Oui, bien sûr. Le duc d’Orléans a été assassiné alors qu’il venait de rendre visite à la reine Isabeau dont l’enfant venait de mourir… Il se rendait à l’hôtel Saint-Pol, la résidence du roi qui se trouve aujourd’hui à peu près à l’emplacement de l’hôtel de Sens. Là, les hommes du duc de Bourgogne l’attendaient et l’assassinèrent dans l’actuelle rue Vieille-du-Temple, au numéro 50, je crois.
F.B.C. : Oui cela a déclenché la querelle entre Bourguignons et Armagnac que l’on apprend dans les livres d’histoire. Pardonnez mon impertinence, Duchesse, mais on dit votre époux Louis et la reine Isabeau de Bavière très proches. Très très proches même…
V.V. : Vous savez, Isabeau faisait un peu feu de tout bois et les commérages…
F.B.C : Pourtant, je suis confus d’insister, Votre Seigneurie, mais certains suggèrent que ce dernier enfant, née de la reine n’était pas en réalité décédé mais caché. Il était en fait le fruit des amours entre la reine et votre époux, Louis d’Orléans. Qu’elle se nommait Jeanne et qu’il l’avait éloignée craignant à juste raison pour sa vie. On la connaît du reste aujourd’hui sous le nom de la Pucelle d’Orléans, c’est à dire la fille du Duc d’Orléans.
V.V. : Commérages…
F.B.C. : Justement certains commérages disaient que vous-même étiez très proche du roi Charles VI. Qu’il ne désirait rien d’autre que votre présence et éloignait même son épouse.
V.V. : Vous savez, le pauvre avait perdu la raison. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « le roi fou ». Mais tout cela n’est que commérages. On m’a même accusée de l’empoisonner pour entretenir sa folie. La malveillance à mon égard était telle que certains m’ont vue tendre une pomme empoisonnée au dauphin de France, le futur Charles VII. J’ai même dû quitter Paris pour Neuchâtel-sur-Loire. On m’appelait alors l’empoisonneuse italienne.
F.B.C : Il faut dire que certaines rumeurs suggèrent que votre père vous a recommandé, en vous quittant, de ne pas venir le revoir à moins d’être reine.
V.V. : Vils commérages…
F.B.C. : Et vous étiez loin de Paris lorsque le drame concernant l’assassinat du Duc est arrivé ?
V.V. : Oui. J’ai cru que j’allais mourir de chagrin. Je suis accourue à Paris demander justice auprès du roi qui m’appelait sa « chère sœur ». Je n’ai eu de lui que de vaines promesses. J’ai dépéri. Car voyez-vous, malgré ses incartades, et le fait que mon époux a donné à Mariette d’Enghien un fils dont j’eusse aimé être la mère, je l’adorais. Ce fils né des amours de mon mari et de Mariette d’Enghien devint le comte de Dunois, le plus fameux compagnon de Jeanne la Pucelle. Une fois mon époux disparu, je peux dire avec la plus grande simplicité qu’aujourd’hui rien ne m’est plus et que plus ne m’est rien.
F.B.C : C’est là une bien belle phrase Duchesse. Je suis persuadé qu’elle passera à la postérité. Je vous remercie encore pour votre disponibilité et votre amabilité tout italienne.
V.V. : Vous savez, j’ai tout mon temps maintenant, et entre compatriotes…