Le bonheur est une sensation intense, plus ou moins prolongée et individuelle où la personne se perçoit en harmonie complète avec ses aspirations les plus profondes. Il ressort de cette définition personnelle qu’il s’agit bien plutôt d’« instants » la plupart du temps imprévisibles comme le prouve l’étymologie. Bonheur vient de bonum (bon) et augurum qui en latin signifie « sort ». L’augure prédisait l’avenir en étudiant par exemple le vol des oiseaux.
Le bonheur se différencie à cet égard de la joie et du plaisir qui peuvent être anticipés. La joie peut être éprouvée par exemple lors d’un succès à un examen. Elle peut muer durant un certain laps de temps en un pur bonheur mais celui-ci reste le plus souvent éphémère.
Le plaisir est quant à lui plus matériel, plus frustre, consécutif à une recherche concrète de cause à effet. Nul ne saurait le confondre avec le bonheur et surtout pas Colette qui écrivait : « Le plaisir se ramasse, le bonheur se cueille ».
Le bonheur apparaît ainsi comme une notion extrêmement subtile qui conduit l’Homme à le rechercher depuis l’antiquité.
Cette recherche revêt aisément une forme philosophique en occident. L’Homme, pour être heureux, ne doit pas confondre ce qui dépend de lui avec ce qui n’en dépend pas (Epictète, Sénèque, Diogène…). Les anciens pensaient que la quête du bonheur, pour être couronnée de succès, s’apparentait au renoncement de tous les désirs. Le bonheur ne pouvait s’accommoder avec ces derniers bien difficiles à satisfaire. On retrouve cette vision en Orient où la recherche d’un bonheur parfait, le « satori », confine parfois au mysticisme pour ne pas dire à une démarche quasi religieuse.
Tchekov montre les limites de cette vision philosophique qui bannit le désir dans le but de trouver le bonheur. Dans une maison esseulée où rien ne manque, où rien n’est superflu, les personnages d’ « Oncle Vania » ne parviennent pas à trouver le bonheur. Pis, le professeur n’a guère conscience du bonheur que pourtant tous lui envient. Il est célèbre, a une jolie femme pour épouse mais… il est vieux. Fallait-il être Faust et se damner pour y parvenir ? Goethe n’a guère répondu à cette question.
La multiplicité des angles sous lesquels la recherche du bonheur est abordée conduit à le comparer au principe d’incertitude d’Heisenberg. Soit on sait sur quelle trajectoire le bonheur se trouve, sans pourvoir toutefois le localiser. Soit on le découvre mais sans savoir comment il va évoluer.
La science et la philosophie ne forment en définitive qu’une seule et même discipline considérée sous deux aspects différents…
En conclusion, si tel un arc en ciel le bonheur semble toujours s’enfuir devant nos pas, en revanche, ses couleurs peuvent rayonner l’espace d’un instant éternel, tout au fond de notre âme.
Mes cours sur le bonheur à l'UIA (Université inter-âge de Créteil) ont commencé en association avec mon ami Jacques Perrin. Vous pouvez vous inscrire pour les suivre au 01 45 13 24 45 du lundi au vendredi de 10h à 12h ou sur contact@uia94.fr
Excellente analyse : merci !
Il y a plusieurs décennies, lorsque je travaillais à ma thèse sur la traumatologie routière, une phrase (dont je ne me souviens plus de l’auteur) était souvent citée : « Dis-moi comment tu conduis et je te dirai qui tu es ». Les réactions sur les réseaux sociaux (et autres) face à l’épidémie actuelle sont en effet comparables à celles des automobilistes.
Merci mon cher José !
Thank you!!1