Éros, L’Amour sous toutes ses formes

Eros, plus que l'amour

Dieu Primordial ou fils d'Aphrodite ? 

Dans la mythologie grecque, Éros est une figure aux multiples facettes : tantôt dieu primordial à l'origine de l'univers, tantôt fils espiègle d'Aphrodite et Arès, jouant avec les cœurs des dieux et des mortels. Que signifie cette dualité, et que symbolise réellement Éros dans ces deux contextes ? En explorant sa nature, nous pouvons également établir un parallèle fascinant avec la notion de libido en psychologie moderne. 

Éros, le dieu primordial : force cosmique et créatrice

Dans la Théogonie d'Hésiode, Éros est décrit comme l'un des dieux primordiaux, né du Chaos aux côtés de Gaïa (la Terre) et de Tartare (l'Abîme). Dans cette version, Éros n'est pas simplement le dieu de l'amour, mais une force cosmique essentielle, l'énergie d'attraction qui lie ensemble les éléments de l'univers et initie la création.

Éros en tant que dieu primordial symbolise l'amour universel et la force de cohésion dans le cosmos. Il incarne le principe d'harmonie et d'équilibre, représentant l'union des contraires et la nécessité de la création et de l'ordre à partir du chaos. Selon cette vision, Éros est bien plus qu'un simple dieu de l'amour : il est le moteur de l'existence elle-même, poussant les forces de la nature à se rassembler et à créer de nouvelles formes de vie.

Les penseurs comme Empédocle voyaient en Éros une manifestation de la « Philia » (l'amour ou l'affection), opposée à « Neikos » (la discorde). Pour Platon, dans le Banquet, Éros est également la quête du Beau et du Bien, une force qui pousse les âmes vers l'immortalité à travers la création et la contemplation du divin.

Éros, fils d'Aphrodite : l'esprit capricieux du désir

Dans les traditions postérieures, particulièrement celles influencées par Homère et les mythes tardifs, Éros est présenté comme le fils d'Aphrodite, la déesse de l'amour et de la beauté, et d'Arès, le dieu de la guerre. Dans ce contexte, Éros devient une figure plus anthropomorphique et capricieuse, souvent représentée comme un jeune garçon ailé avec un arc et des flèches, capable de susciter amour et désir ou, au contraire, l'indifférence et le désamour.

Éros, en tant que fils d'Aphrodite, incarne le désir érotique et l’attraction physique. Il symbolise l'aspect irrationnel, imprévisible et parfois cruel de l'amour romantique et charnel. Ses flèches dorées et plombées représentent les coups de foudre soudains, les passions incontrôlables, et les revirements du cœur. Il est l'esprit espiègle et joueur de l'amour, illustrant la nature inconstante et tumultueuse des émotions humaines.

Cette version d'Éros est riche en symbolisme psychologique. Elle représente l'amour non pas comme une force unificatrice cosmique, mais comme une expérience personnelle et émotionnelle, pleine de joie et de souffrance, de plaisir et de douleur. Elle met en lumière la dimension humaine de l'amour, celle qui échappe à la raison et qui est dictée par le désir et la passion.

Éros et la libido : une Force vitale et créatrice

La figure d'Éros, qu'il soit considéré comme un dieu primordial ou le fils d'Aphrodite, peut être comparée à la notion de libido en psychologie moderne, notamment dans les théories de Sigmund Freud. La libido, selon Freud, est l'énergie psychique des pulsions de vie, englobant non seulement le désir sexuel, mais aussi l'ensemble des instincts créatifs et moteurs de la vie.

  • Comparaison avec la libido : Tout comme Éros en tant que dieu primordial est une force cosmique de création et d'harmonie, la libido représente une énergie fondamentale de vie, une pulsion qui motive les êtres humains à créer, à se reproduire, et à rechercher le plaisir. Dans les deux cas, il s'agit d'une force dynamique qui structure et anime la vie.

  • Dualité création/destruction : Cette dualité d'Éros est également présente dans la conception freudienne de la libido, qui est accompagnée par le principe de Thanatos, ou la pulsion de mort. De même, Éros peut incarner à la fois la force créatrice de l'amour et le potentiel destructeur des passions incontrôlées. Cette tension entre création et destruction, amour et conflit, est au cœur de la nature humaine et cosmique.

Associer Éros à la libido, permet de comprendre comment ces deux concepts partagent une profonde connexion avec l'essence même de la vie et de l'expérience humaine. Ils soulignent tous deux la puissance du désir et l'énergie vitale qui pousse à la création et à l'union, tout en reconnaissant la complexité et les contradictions inhérentes à ces forces.

Une dualité profonde : amour cosmique et amour humain

Les deux représentations d'Éros, bien qu'apparemment contradictoires, offrent une vision complémentaire de l'amour dans la mythologie grecque. D'une part, Éros comme dieu primordial incarne l'amour cosmique, créateur et harmonieux, une force qui sous-tend l'ordre de l'univers. D'autre part, Éros comme fils d'Aphrodite représente l'amour humain, charnel et émotionnel, une force à la fois source de joie et de souffrance, insaisissable et capricieuse.

Cette dualité illustre la richesse et la complexité de la conception grecque de l'amour, intégrant à la fois des aspects métaphysiques et psychologiques. En reliant Éros à la notion de libido dans une dynamique universelle et dans l'expérience humaine du désir.

Conclusion

Qu'il soit vu comme une force cosmique originelle ou comme le fils espiègle d'Aphrodite, Éros incarne la puissance de l'amour sous toutes ses formes. Il symbolise à la fois l'unité et la dualité, l'harmonie et le chaos, la création et la passion. En explorant ces différentes facettes d'Éros et en le comparant à la libido, nous découvrons non seulement la profondeur de la mythologie grecque, mais aussi une réflexion intemporelle sur la nature complexe et essentielle de l'amour et du désir dans nos vies.

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L'auteur : Franck Senninger

Franck Senninger est écrivain et médecin. Il écrit plus particulièrement des romans (Prix Littré, Prix du Rotary international, sélection au Prix Tangente de lycéens 2022), des nouvelles (Prix Cesare Pavese, Prix Città di Cattolica), des ouvrages de psychologie et de vulgarisation médicale. Ses livres sont actuellement traduits en italien, espagnol, portugais, polonais et en arabe. Il est membre de l'Académie Littré et ancien président du jury français du Prix Cesare Pavese (Italie). Il est aussi journaliste pour La Voce, le magazine des Italiens en France et cofondateur de l'Alliance italienne universelle, une association qui réunit les fils de l'Italie. Il donne régulièrement des conférences à l'Université Inter-Âge de Créteil, à l'Université inter-âge de Noisy-le Grand et à l'Université Paris-Est Créteil. Petit-fils de philosophe, trois générations de médecins l'ont précédé ce qui explique sans doute son attrait partagé pour la plume et le stéthoscope.

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